On est d’emblée plongés dans l’univers cinématographique du réalisateur japonais avec des images puissantes : la scène d’ouverture se déroule la nuit sous une pluie battante, dans la ville de Busan en Corée du sud : une mère dépose son bébé devant une « Baby box » et s’enfuit en laissant un mot avec le prénom du bébé. Deux hommes infiltrés dans la paroisse récupèrent le nouveau venu et le planquent dans leur blanchisserie avant de pouvoir le vendre à un couple ayant des difficultés à adopter.
«Broker» | Critique (edition française)
Hirokazu Kore-eda revient en force avec ses thèmes de prédilection que sont la famille, la filiation et l'adoption.
«Broker» | Synopsis
Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé. Il est récupéré illégalement par deux hommes, bien décidés à lui trouver une nouvelle famille. Lors d’un périple insolite et inattendu à travers le pays, le destin de ceux qui rencontreront cet enfant sera profondément changé.
«Broker» | Autres avis
«Le cinéaste Hirokazu Kore-eda continue d’explorer les multiples formes de la famille dans un film faussement léger et incroyablement émouvant.» – La Voix du Nord | «En dépit d’un rythme languissant, Les Bonnes Étoiles séduit par sa mise en scène délicate et minutieuse, au plus près de personnages en crise dissimulant leurs traumatismes passés.» – Le Journal du Dimanche | «La mise en scène de Kore-eda, maître du cinéma miniature, fait éclore la vérité de ses héros dans des séquences tour à tour nocturnes ou lumineuses (baignée par le soleil des bords de mer), drôles ou déchirantes.» – Première
Critique par Ondine Perier
Les bras-cassés, personnages toujours affectionnés et sublimés par Kore-eda
Les personnages «laissés pour compte» ou malmenés par la vie attirent toujours l’attention de Kore-eda qui leur offre des destins extraordinaires ou tout du moins une échappée dans leur quotidien assez médiocre fait de petits larcins au mieux. Ainsi, dans ce road-movie lumineux, on retrouve au volant du van bringuebalant le chef de bande, interprété par le génial Song Kang-ho («Parasite»), endetté et poursuivi par des voyous, divorcé et père d’une fille pré-ado qu’il ne voit presque jamais ; son acolyte trentenaire, formidable Dong-won Gang, orphelin et sentimental, la mère jeune prostituée criminelle et un enfant orphelin désireux de se faire adopter par le chef de la tribu. L’émotion grandit au fur et à mesure que la bienveillance et la solidarité s’installent au sein de cette drôle de famille (impossible de ne pas penser au merveilleux «Shoplifters» – palme d’or – qui prônait déjà la force des liens d’une famille «de cœur» versus celle des liens du sang) et ce, malgré les suspicions ou tentations de corruption. Si Kore-eda distille un bon nombre de rebondissements et d’éléments perturbateurs, cette famille atypique apparaît comme un refuge. Ils se questionnent en permanence sur leur filiation et leur identité, ils partagent des moments de joies dans des scènes sublimées comme celles de la fête foraine. De confidences en confidences ces bras cassés nous apparaissent touchants et empathiques, Kore-eda ayant pris soin de leur attribuer à chacun des raisons d’avoir franchi le rubicon.
La filiation, thème cher au réalisateur
Kore-eda dénonce à travers son film les dérives coréennes dues au durcissement des lois sur l’adoption. Il apporte des touches d’humour et de cynisme bienvenues, par le prisme de certains parents adoptifs réticents lorsqu’ils s’aperçoivent que le bébé a des sourcils trop fins. De manière plus profonde, il s’empare des thèmes graves de la filiation (comme dans le merveilleux «Tel Père, tel fils»), la maternité et la responsabilité des mères en cas de grossesse non désirée, avec légèreté. Les personnages féminins forts et sensibles sont eux aussi brillamment incarnées : la jeune mère par Ji-eun Lee, l’inspectrice à la tête froide par Donna Bae. Selon Kore-eda, un bébé peut changer le destin de ceux qui le croisent et ce par le fait qu’absolument tous les protagonistes vont à leur manière s’attacher à lui et réaliser l’importance cruciale de la filiation. Ainsi l’équipage du van devient soudé par des liens qui paraissent bien plus réels et solides que des liens familiaux traditionnels. Et c’est en cela que le film bouleverse, le tout enveloppé dans un grand lange de douceur, comme l’est le bébé, personnage central du film, dont le prénom Woo-Sung signifie «Ailes – étoiles». On comprend qu’il peut dormir tranquille tant que ces belles âmes veillent sur lui.
Conclusion: Des histoires gigognes habilement imbriquées dans cette chronique familiale célébrant la force des liens scellés dans l’urgence et par une attention commune portée à un nouveau-né. Un bijou de tendresse signé du grand cinéaste japonais.